box de Give Me

Depuis que j'avais quitté mon ancien centre équestre, qui traitait les chevaux comme des objets juste bon à gagner des concours, j'avais décidé de plus jamais brusquer un cheval. J'ai toujours détesté leur faire du mal, les voir souffrir me faisant si mal au cœur...
Hier, ma mère m'avait fait visité plusieurs centre équestres mais aucun de me disait quelque-chose. Dans chacun, il y avait quelque-chose qui clochait. Soit ils ne les faisaient pas boire entre les cours, soit il ne sortait jamais de leurs box. Elle était désespérée que je ne sois jamais contente. Elle me répétait tout le temps que j'étais trop têtue et exigeante, et je lui répondais toujours que je n'étais exigeante que pour le bien être des chevaux. Quand nous étions sur le chemin du retour, nous sommes allées au Haras de Pado. Ma mère a longuement discuté avec la directrice et moi, je suis littéralement tombée sous le charme d'un étalon qui était pourtant sauvage.
Give Me.
J'ai toujours été têtue, alors, malgré les avertissements que m'adressait la directrice, je ne voulais rien savoir. C'est lui ou personne. Ma mère a finit par céder. Give Me est devenu ma demi-pension, bien qu'il me faudra un long moment pour qu'on apprenne à ce faire confiance. J'ai passé ma soirée à penser à lui. J'avais à peine eu le temps de le voir, dès que je m'étais approchée, il s'était tapi au fond de son box. Je savais juste qu'il était grand et d'une robe claire. De toute façon, je me moquait totalement de son apparence. Ce qui compte, au fond, c'est ce qu'il a au fond de lui.

J'ai tapé sur les nerfs à mes parents toute la matinée pour aller le voir, lui, celui qui hante mes pensées depuis hier. C'est donc super contente que je suis arrivée au haras, à 13h, après avoir mangé à peine une tartine et un yaourt. Je sais ce qui m'attends. Give Me sera encore au fond de son box et je ne pourrai pas l'approcher, mais tant pis. Je resterai devant sa porte, à l'observer, à tendre la main avec des friandises. J'espère au moins qu'il la mangera, d'après la directrice, il refuse même de s'alimenter. Je ne sais pas comment il en est arrivé là, mais je compte bien me renseigner. Deux boxs avant le sien, j'ai pris une grande inspiration et j'ai pensé très fort «Allez, Mel, il faut aider ce pauvre cheval». Tout sourire, je me suis arrêté juste devant son box.
Comme je m'en doutais, dès qu'il m'a vue, il s'est réfugié au fond du box. Je n'ai pas bronché et j'ai continué à avancer. J'ai plissé les yeux pour essayer de distinguer la couleur de sa robe, mais je ne vois toujours rien. J'ai claqué la langue, il s'est tapie encore plus dans l'obscurité en plaquant ses oreilles contre la nuque.
«Eh, doucement, mon grand... je ne voulais pas te faire peur... je ne te veux que tu bien, fais-moi confiance.»
J'ai vu ses oreilles se dresser pendant que je parlais puis se remettre en arrière. J'ai esquissé une moue et j'ai fouillé dans ma poche pour trouver un quartier de pomme. Je ne sais pas si ça va lui plaire...
«Give Me, regarde, j'ai une pomme pour toi!»
Encore une fois, ses oreilles se sont dressées, sauf que cette fois-ci, il ne les a pas mises en arrière. Il a même bougé sa tête. Un sourire timide s'est dessiné sur mes lèvres, même si ce léger mouvement ne voulait peut-être rien dire. Il me tourne toujours le dos, mais je ne perds pas espoir, bien au contraire. Plus il m'ignore plus ça me donne du courage. Je sais être patiente avec les chevaux.
«Et bien tant pis, si tu n'en veux pas, je te la gardes pour quand tu seras prêt. En attendant, moi, je restes là.»
J'ai jeté un coup d’œil à sa mangeoire. Pleine. Comme me l'avait dit la directrice, ce pauvre étalon ne mange même plus. C'est si triste... «J'espère vraiment que ça va s'arranger. C'est pour ça que suis là...» Je me suis accroupie, les bras et le menton toujours posés sur la porte du box. Étant assez grande, je pouvais encore voir le grand cheval. J'ai attendu ainsi vingt minutes, et je ne l'ai vu à aucun moment détendre ses muscles. Je me suis remise debout pour soulager mes jambes engourdies et j'ai continué à l'observer. Demain, je reviendrai avec un carnet et un stylo. Je pratiquais l'éthologie avant que mon ancien centre devienne trop obsédé par les concours. Observer les chevaux, ça me connaît... Et Give Me ne semblait pas prêt à m'accorder sa confiance.
«Eh, mon grand, tu pourrais au moins manger, non? Tu vas être tout maigre, si tu ne l'est pas déjà... Et d'après quelques photos, tu te mutiles! Il faudra vraiment que je sache pourquoi.»
Comme réponse à ce que je venais de lui dire, le bel étalon tourna la tête et se mord au niveau du ventre.
«Give Me! Ne fais pas ça, bon sang!...»
Ma bouche s'est déformée. Pourquoi il fait ça? C'est horrible qu'un cheval en arrive à ce point là. Il devait sûrement être maltraité par ses propriétaires, ou alors surmené, comme ceux de mon ancien centre équestre...
«Bon, il va falloir faire quelque-chose, c'est pas possible que tu en sois arrivé à ce point là. Je reviendrais tout les jours s'il le faut, mais je ferais tout pour que tu arrêtes de te faire mal. Je vais poser d'autre questions à la directrice demain. Aujourd'hui, jusqu'à 17h tapante, je resterai plantée devant ton box. Même si tu ne bouges pas d'un poil.»
Et j'ai tenu parole. Je suis restée quatre heures devant son box, à guetter le moindre de ses mouvements. Quelques-fois, il se grattait ou il agitait la tête, alors je souriais. D'autre, il se mordait encore, et je me mordais les lèvres à chaque fois. Lorsque 17h sonne, j'ai froncé les sourcils. J'aurai aimé rester toute la nuit pour gagner sa confiance, mais ma mère ne voudrai pas. Alors j'ai sorti la pomme et j'ai tendu la main vers sa mangeoire. J'ai lâché la pomme qui est tombé silencieusement. Il a tourné la tête vers mois quelques secondes.
«Tu sais, Give Me, quand je tiens à un cheval, j'y tiens vraiment. Quelque sois son apparence, ses capacités. Tu pourrais être de n'importe quelle robe, je t'aimerais quand même. Je te promets, je te jures, que je serais là quand tu en auras besoin. Je dois partir, maintenant, mais je reviendrais. Et ce sera toujours comme ça.»
Je lui ai envoyé un bisous volant, en espérant que demain, il aura manger la nourriture dans sa mangeoire. Quand je suis partie, j'avais chaud au cœur. Give Me est mon coup de cœur, jamais je ne l'abandonnerai. Une fois arrivée chez moi, j'ai pris un carnet enfoui sous mes cahier de cours et j'ai écris ce que j'avais vu et une liste de questions destinées à la directrice. Demain, je tenterai de percer le secret du bel andalou que l'on dit sauvage.

La journée d'hier m'avait donné plus que du courage. Je voulais plus que tout aider Give Me, qui semblait désespéré à un point!... Le voir se mordre et ne pas manger me brisait le cœur, je voulais savoir pourquoi il faisait ça. Alors j'avais prévu une liste de questions à poser à la directrice. Je lui avais posé dès que j'étais arrivé, armée de mon carnet spécial «Give Me». Et les réponses qu'elle m'a donné m'ont rendue encore plus triste pour lui. C'est vrai que cet étalon est un véritable canon, mais ne l'aimer que pour ça me semblait impossible. Pourtant, apparemment, c'est la raison de son refus de contact avec l'homme. J'espère pouvoir lui montrer que moi, je l'aime pour ce qu'il est et pas que pour son apparence. Seulement... Comment faire?
Arrivée devant son box, j'ai de suite jeté un coup d’œil à sa mangeoire. Évidemment, elle était encore pleine et le morceau de pomme y était toujours. J'ai levé les yeux vers lui. Maintenant que j'avais vu sa photo, j'avais plus de facilitées pour me le représenter dans l'obscurité. Je pense que sa belle robe champagne est pleine de morsures, peut-être infectées parce-qu'il refusait de se faire soigner; toute sale, aussi; il doit être aussi tout maigre.
«Salut Give Me! Comme tu as vu, je suis arrivée plus tard, mais bon, je n'ai pas encore dix-huit ans et ma mère veut que je reste au lycée. De toute façon, j'ai le droit de rester jusqu'à dix-neuf heures, cette fois, alors tu vas devoir me supporter pendant deux heures. Et demain encore plus, le mardi j'ai cours que jusqu'à seize heure. J'ai encore des morceaux de pommes, mais tu ne les auras que si tu viens me voir.»
J'ai sortie deux morceaux de pommes de ma poche et j'ai tendu la main vers lui. Il n'a pas bougé. Il y a quand même du progrès: cette fois-ci, il n'a pas plaqué ses oreilles en arrière. J'ai fourré les morceaux dans ma poche et j'ai écris dans mon carnet, appuyée sur la porte du box. «Quand j'ai tendu la main pour donner des pommes à Give, il n'a pas bougé. Es-ce un signe?...» Quand je relève la tête, l'andalou se mordait encore le flanc.
«Non mais c'est pas possible ça! Je veux bien t'aider, mais si tu n'y mets pas du tiens, ça risque pas de marcher...» j'ai penché la tête sur le côté quand il m'a regardé avant de fuir mon regard. «J'ai bien l'air conne là... la plupart des gens pensent que les chevaux comprennent rien à ce qu'on dit. Moi je pense que si, vous comprenez, mais que vous ne pouvez pas le montrer. C'est pour ça que je te parles, tu vois? Et puis ça me fait du bien. Je sais pas, j'ai l'impression que je peux tout te confier... Et j'aimerais que toi, tu m'accordes ta confiance... mais bon, apparemment, c'est pas gagné. Je m'en fous, j'attendrai le temps qu'il faudra.»
Pendant que je parlais, il en a profité pour baisser la tête et dormir. Je n'ai pu m'empêcher d'éclater de rire, sans trop savoir pourquoi.
«Eh bien merci pour ton attention, Give Me.»
Il a légèrement relevé la tête. Peut-être m'écoutait-il, finalement... Je me suis accoudée sur la porte du box, la tête dans mes bras, pour l'observer. J’aurai pu rester une éternité comme ça, à attendre, juste pour le voir bouger, ne serai-ce qu'agiter la tête ou cligner des paupières; mais 19h arriva bien plus vite que prévu.
«Oh... Il est déjà l'heure... Désolée, mon ange, mais il va falloir que j'y aille.» J'ai baissé les yeux «Demain sera un autre jour. Peut-être que tu t’habitueras à ma présence et que tu pourras enfin arrêter de te mutiler et manger...»
J'ai tourné la tête, en tripotant mon chouchou avant de partir. J'allais encore me faire un sang d'encre pendant toute la nuit. J'allais finir par devenir totalement obsédée par Give Me... Ca ne me dérangerai pas, bien au contraire.

Trois jours que je ne pensais qu'à lui, jour et nuit, j'en rêvais, même. Je rêvais du jour où il accueillerais en hennissant, ou que je pourrais caresser sa belle robe soyeuse. Je devenais folle, d'après ma mère. Mais folle de quoi? Folle d'inquiétude pour le bel andalou devenu insociable, folle d'amour pour lui, folle de colère contre les personnes qui l'ont traité ainsi? Finalement, oui, je suis folle. Folle parce-que j'avais peur que je ne puisse rien faire. Après tout... Non, il fallait que je reste positive. Un jour ou l'autre, Give Me finira bien par m'accorder sa confiance... Je ne me fais pas de faux espoir. Je sais qu'il pourrai être habitué, cette fois, donc peut-être ne partira t'il pas, mais je ne pense pas qu'il soit prêt pour me laisser le caresser. Malgré ça, j'espère quand même qu'il acceptera de manger.
Je suis arrivée au centre équestre avec mon goûter et des morceaux de carottes pour Give Me. Dans ma tête, j'essayais de trouver un sorte de plan pour qu'il accepte de manger. Pour l'instant, qu'il arrête de se mutiler et qu'il mange sont mes deux priorités. Quand je suis arrivée devant son box, j'étais surprise de voir sa mangeoire... vide. Je l'ai regardé, un grand sourire aux lèvres.
«Tu as mangé? Mais c'est trop bien ça! Attends, je reviens, je demande à la directrice si c'est pas elle qui a enlevé la nourriture»
J'ai marché à grand pas vers son bureau. Quand elle m'a dit qu'elle n'y avait pas touché, j'ai failli sauter de joie. Je suis vite retourné voir l'andalou.
«Eh, Give Me, c'est génial! J'espère aussi que tu ne te mutiles plus... Oh, attends, j'ai une idée.»
J'ai fouillé dans mes poches pour trouver les carottes. J'ai tendu la main, paume ouverte, lui laissant le choix. Il m'a regardé fixement, mais n'a pas bougé. J'ai alors déposé doucement, sans rentrer dans le box, les carottes. Méfiant, il les a d'abord renfilé et re-reniflé, puis a posé sa tête et les a mangées.
Un grand sourire a étiré mes lèvres. Il mangeait, enfin! Cela pourrait vouloir donc dire qu'il était prêt à reprendre confiance avec les humains? Je n'en suis pas sûre... il fallait que je l'observe plus.
«Bon, je vais manger, alors fais ce que tu veux en attendant, mais après, je vais te parler.»
Pendant que je croque dans la pomme, j'écris l'exploit que vient de faire Give Me. Je termine mon goûter en mangeant mes gâteaux préférés, deux oréos, puis je me retourner vers l'étalon. Il n'a pas bougé et, plus important encore, il ne s'est pas mutilé.
«Ah ben tu fais des progrès, mon beau. Tu sais, je comprends ce que c'est, d'être seul. On va pas dire que je suis toute seule, hein, j'ai des amies et j'ai même un petit copain, alors c'est pas ça. Je veux dire, je sais ce que c'est de rejeté les autres. Je le faisais, aussi, quand ma petite sœur est morte. Deux mois où je restais toute seule dans ma chambre à pleurer et me frapper contre le mur. Autant dire qu'on à un peu la même histoire, sauf que moi, je suis arrivée a en sortir. Grâce aux chevaux, c'est eux qui m'ont redonné l'espoir. J'espère rallumer la flamme dans ton cœur, Give Me. Pour que tu puisse toi aussi guérir. Enfin, guérir... t'es pas malade, du moins, j'espère.»
En parlant, je n'ai pas remarqué que l'andalou avait levé la tête et me regardait. Je ne l'ai vu que lorsqu'il a avancé d'un pas.
«Oh...»
J'ai tendu ma main, il a aussitôt reculé. J'ai fais la moue. Je voulais lui dire quelque-chose, mais mon portable à vibrer. Ma mère qui avait remarqué que j'avais contrôle le lendemain et qui savait que je n'avais pas réviser.
«Rah, saleté de contrôle de physique. Désolée, mon loulou, il faut que j'y aille. Tu as fais beaucoup de progrès, c'est bien. Prochaine étape: t'habituer à ma présence! On aura toute l'après-midi demain, donc ce sera peut-être fait... Bref, à demain!»
En partant, j'étais sur un petit nuage. «Enfin»

Je n'ai pas dormi de la nuit, trop excitée par le comportement de Give Me. Il avait enfin mangé. Peut-être même qu'il avait arrêté de se mutiler, mais ça, ce n'est pas sûr. Il n'empêche que j'étais surexcitée et que je n'ai donc pas fermé l'oeil de la nuit. Le matin, en contrôle, j'ai failli m'endormir, du coup je l'ai raté. Je l'ai dis à ma mère, qui m'a donc interdit d'aller le voir mercredi. Du coup, j'ai oublié de faire mes devoirs, et j'ai encore été une fois obligée de ne pas foncer au centre équestre voir mon angelo gris ce jeudi. Je m'étais donc reprise, pour aller le voir au moins aujourd'hui, malgré les giboulées. Mes horaires ne sont pas géniaux, je suis sortie à dix-sept heures et je suis censée rentrer avant dix-neuf heures et demi. Par chance, j'avais encore le dimanche, parce-que ma mère m'interdit formellement d'aller au haras par temps de fortes pluies.
Carnet à la main, je me dirige à pied, sous les habituelles giboulées de mars, vers le Haras. Plus je me rapproche, plus je presse le pas, trop excitée de savoir si il a gardé le même comportement que mardi, si il a évolué, ou, au contraire, si il est resté comme avant, insociable. Quand je suis arrivée dans l'allée, la directrice s'est dirigée vers moi et m'a expliqué que Give Me avait recommencé à manger et ne se mutilait plus, mais il refusait toujours qu'on l'approche. J'ai souris et l'ai remercié pour ses informations. J'ai avancé vers son box, masquant l'impatience qui ma tannait. Quand je suis arrivée près de son box, il est resté au fond, comme d'habitude. J'ai tourné la tête vers sa mangeoire, à moitié vide.
«Coucou! Il faudrait que tu manges un peu plus. Tiens, j'ai des pommes et des carottes pour toi, ça te fera reprendre du poids. Je suis contente de tes progrès. Dimanche, je passerai toute la journée avec toi, pour me rattraper d'hier et avant-hier. Comme ça, on pourra faire plus ample connaissance... ce serai bien que tu me laisses t'approcher, ne serai-ce qu'un peu, genre juste pour une caresse. On verra après pour des pansages. Et puis, d'toute façon, avant de te monter, je vais te faire travailler à la longe et a pied, de l'éthologie, je sais pas si tu sais ce que c'est. Mais on n'en est pas encore à là. J'attendrai le temps qu'il faudra, Give Me.»
En parlant, je m'appuyais contre la porte du box, le menton entre mes bras. J'ai lâché tout les mots en tendant ma paume ouverte. Il est resté dans son coin et je l'ai observé. A un moment il a relevé l'encolure, réveillé, et a tourné la tête vers moi, les oreilles tournées vers l'avant. Je ne l'ai pas remarqué de suite, je ne l'ai vu que lorsqu'il s'est ébroué, du haut vers le bas. J'avais l'impression qu'il voulait dire un truc comme «oui». Comme je l'ai vu, je n'ai pu m'empêcher de rire. Il a beau avoir dix ans, il a quand même une tête toute mignonne. Je le voyais un peu mieux, comme il a tourné la tête vers la lumière. Rien que sa tête était toute sale, alors je n'osais même pas imaginer sa robe... Le temps est passé trop vite, le temps que j'ai passé à l'observer baisser puis relever la tête, la secouer, ou me regarder. Je suis partie sans mon discours habituel, mais avec un baiser volant. Je suis partie le sourire aux lèvres.

Excitée comme une puce à l'idée de passer toute la journée avec Give Me, je n'ai pas dormi. Pourtant, je suis vraiment en pleine forme. Je sautille partout en préparant mon pique-nique que je fourre dans mon sac. Je suis arrivée au centre à 11h, et je me suis toute de suite dirigée vers le box de l'étalon. Quand je l'ai vu en train de manger dans sa mangeoire, un sourire s'est de suite étiré sur mes lèvres. Il a levé la tête et m'a regardé, les oreilles en avant, sûrement surpris de me voir ici aussi tôt.
«Ne t'arrêtes pas pour moi, mon grand. Continue, tu te remplumeras!»
Je me suis appuyée, comme à mon habitude, sur la porte de son box. Il a baissé la tête dans sa nourriture et a continué à manger. Je l'ai observé, la tête penchée sur le côté. Il mangeait avec un air dispersé, tournant la tête de chaque côté presque toutes les bouffées. Il devait encore être méfiant, mais il continuait à manger sans trop se soucier de moi. Au bout d'un moment, il s'est ébroué et m'a regardé comme si il voulait quelque-chose. J'ai jeté un coup d’œil et j'ai vu qu'il avait tout mangé.
«Oh, quel gourmand tu es, dis donc! Tu as de la chance, j'ai des morceaux de pomme et du pain.»
J'ai tendu la main pour déposer dans la mangeoire trois morceaux de pomme et un de pain. Il s'est presque jeté dessus. On le voyant faire, j'ai aussitôt eu faim. Du coup, j'ai ouvert mon sac et j'ai croqué dans mon sandwich. On a mangé et finit presque en même temps. Je l'ai regardé, il m'a regardé, et j'ai éclaté de rire. Lui s'est reculé et s'est endormi. J'ai marqué tout ça dans mon carnet.
Toute la journée s'est déroulée ainsi. Il s'approchait, me regardait, puis reculait à nouveau. Parfois, il retournait à la mangeoire pour manger les autres morceaux de pains, et me regardait d'un air toujours aussi méfiant. Je n'ai pas parlé jusqu'à ce mon téléphone vibre et que ma mère me crie dessus en disant que je ne pourrais pas aller au centre équestre la semaine prochaine. Ah, elle venait sûrement de recevoir mon bulletin.
«Bon, ben... je profites des derniers instants, mon beau. Tu ne veux pas... approcher un peu plus? Que je puisse te donner des carottes? Ou... te caresser?»
Je suis restée dix minutes le bras tendu vers lui. Il s'est un peu avancé mais est resté à un mètre de moi. J'ai laissé les morceaux de pain dans la mangeoire en soupirant.
«On as tu temps, ce n'est pas grave. Salut, Give Me! Continue à manger comme ça, même si je ne suis pas là!»
Je me suis tournée et ai esquissé un pas, mais je me suis tournée vers lui, incapable de ne pas lui accorder un dernier regard avant la semaine prochaine. Il était tout près de moi, la tête passée par dessus la porte du box. Je me suis approchée, les yeux écarquillés et j'ai tendu la main pour l'effleurer. J'ai eu juste le temps de sentir sa peau rugeuse peinte de boue qu'il s'est éloigné. Troublée, je suis retournée chez moi.

Une semaine sans lui, c'était bien trop. Pendant toute cette semaine, interminable, j'ai eu l'impression de mourir à petit feu. Mais ma mère a eu ce qu'elle voulait, j'ai repris le travail et je ne bâcle plus mes révisions et multiples devoirs. Quand ma mère m'a dit que je pouvais le voir aujourd'hui, j'ai d'abord eu peur que ce soit une blague, mais non, elle disait la vérité. Alors, en sortant du lycée, je me suis ruée au haras.
A peine ai-je franchi le portail du haras que je me suis sentie revigorée. Je me suis dirigée rapidement vers le box de Give Me. J'ai jeté un œil par dessus la porte, il mangeait dans sa mangeoire. Il m'a regardé, puis il s'est remis à manger.
«C'est bien que tu continue à manger, Give Me. Je suppose que je ne t'ai pas trop manqué... En tout cas, tu m'as énormément manqué. Je vais juste regarder aujourd'hui, je voudrai que tu te réhabitue à ma présence. J'ai des sucres, cette fois. Un seul, après c'est pas très bon pour toi...»
Et voilà, je suis redevenue moi-même, la cavalière passionnée qui tape la discute à son cheval. Pendant que je lui parlais, il a levé la tête de sa mangeoire et me regardait. J'ai souris quand il s'est remis à manger. Apparemment, il apprécie que je lui parle. J'ai tendu la main vers lui et ai déposé une moitié de morceau de sucre. Il m'a regardée bizarrement, a reniflé le morceau de sucre, m'a regardé de nouveau et a mangé prudemment. On sait jamais, au cas où que j'aurai mis des explosifs dedans... Quand il a finit le morceau, il m'a regardée d'un air suppliant. J'ai avancé ma main, paume vers le ciel, l'autre moitié dedans. Il s'est approchée, a reculé puis s'est ré avancé. Je suis restée comme ça pendant les vingt minutes qu'à durer son petit manège. Il a finit par manger dans ma main, doucement, très très doucement.
«Oui, voilà, mon beau... Ne t'inquiètes pas, tu peux me faire confiance.»
J'ai essayé de le caresser, mais il s'est reculé brusquement. J'y suis allé trop brusquement à son goût, sûrement. J'ai appuyé ma tête sur la porte du box en lui parlant.
«Désolée, je ne pensais pas que tu aurai peur. Allez, viens, je te redonne un morceau de sucre.»
Il s'est approché de moi à nouveau, encore plus prudent que tout à l'heure. Il a attrapé le morceau entre ses dents et s'est aussitôt reculé.
«Alors là... Bon, tu sais quoi, je ne vais plus essayer de te toucher aujourd'hui. Jeudi, j'essayerai de... Bon, on verra.»
En mangeant, il m'a regardé. Le silence se faisait pesant, mais, au fond, j'étais heureuse de le revoir, tout simplement.
«Je vais demander à la directrice si tu as aussi bien mangé pendant que j'étais pas là. J'y vais, mon grand, à jeudi!»
Je lui ai envoyé un autre baiser volant. Plus tard, quand il me fera plus confiance, je le ferai sur sa ganache, sur ses naseaux ou sur sa joue...