Jachère de Midnight

MIDNIGHT
du Haras de Pado

« Indomptable. Voilà l'adjectif qui qualifie le mieux Midnight. C'est un étalon mystérieux. Avant qu'il n'arrive au Haras de Pado, Midnight était une légende en Angleterre. On disait que dans le Yorkshire, un étalon déambulait un peu partout et que quand il passait dans une ferme, il repartait avec les jument qui s'y trouvaient. On le voyait parfois sur les collines accompagné d'une jument et on ne savait pas ce qui était arrivé aux autres qu'il avait emmené avec lui. Les paysans veillaient la nuit afin de ne pas perdre leurs juments. Et c'est après ça que, d'après la légende, Midinight aurait perdu toute confiance en l'homme. Il prenait des coups de fourches, de fouets et de fléaux de la part des paysans en colère. Un jour de décembre, il neigeait au Haras de Pado et cet étalon noir, envoyé par le diable selon les rumeurs dans le Yorkshire, est arrivé au haras qui l'a recueillit. Si vous arrivez un jour à l'approcher, vous pourrez être fier de vous car Midnight vit dans un pré dont il connaît tous les recoins et il vous sera difficile de le trouver. Malgré tout ça, n'oubliez pas que ce bel étalon peut être dangereux ! »

« Midnight est un étalon frison de 8 ans et de robe noire. Actuellement son propriétaire est kisa-chan. »

Sa fiche

Suis-moi, je te fuis ; fuis-moi, je ne te retiendrai pas

Je l’avais vu dans ce pré immense. Ce pré que j’appelais la jachère faisait plusieurs hectares de terrain. Dans ce vaste coin de verdure, une grande partie était couvert d’herbe hautes, plus hautes encore que moi, de ronces et de broussailles. On ne pouvait y serpenter que par des chemins étroits forcés par des cavaliers chevronnés qui, tels des explorateurs en forêt vierge, pensaient trouver leur monture cachée dans les fourrés. Je ne savais pas comment ils s’y étaient pris, mais les petits chemins avaient été tellement empruntés par la suite qu’on pouvait se permettre de ne pas porter un pantalon d’équitation doublé d’un jean, de trois paires de chaussettes par-dessus, de T-Shirt surmontés de vestes et de paires de gants de chantier pour passer à travers les épines. C’était pratique, surtout l’été. L’entrée du pré, une grande ligne droite et l’espace sur la droite, eux, ressemblaient déjà plus à un pré où l’herbe verte ondoyait doucement sous la brise chaude de juillet. C’était dans cette partie du champ, juste à côté de la porte, que se dressait un vieil abri en bois constitué seulement de trois pans de mur en bois et d’un toit à moitié couvert de mousse. Il cachait un abreuvoir rempli en partie par les eaux de pluies de l’automne au printemps. L’été, des voyages avec des jerricans remplis d’eau s’imposaient si on ne voulait pas voir l’habitant de ce pré dépérir. De temps à autres, en particulier l’hiver, on pouvait remarquer que la botte de foin que nous laissions voyait son niveau diminuer, idem pour les stocks d’eau. Parfois, un moniteur plus courageux que les autres nettoyaient la baignoire remplie de saletés. Rares étaient les personnes qui savaient ce que ce pré cachait. Certains disaient que des animaux sauvages venaient manger la paille et boire l’eau, d’autres avaient soi-disant croisé une vache, les petites filles chuchotaient tout bas qu’une licorne blanche avec deux grandes ailes se cachait dans les fourrés et ne sortait que la nuit pour se restaurer, quand il n’y avait personne.

Un beau jour, ma curiosité l’emporta. Je m’étais assise un matin à l’extérieur du pré et j’avais attendu. Le temps file, le midi j’avais mangé un sandwich que j’avais apporté dans mon sac à dos. L’après-midi s’était écoulé sans rien de nouveau, puis le soleil s’était couché et les premières étoiles étaient apparues dans le ciel rose. Je m’étais allongée sur le dos en me disant que j’étais folle d’attendre si longtemps. C’était à cet instant précis, je m’en souviens encore, qu’un bruit avait attiré mon attention. Sortant de la forêt de ronce, un magnifique cheval noir s’avançait vers moi. Je m’étais redressée et lorsqu’il m’avait vu, il avait fui dans une galopade insensée. Plusieurs fois à la même heure, je m’étais de nouveau présentée à lui. Il avait reparu certaines fois. Un soir, il est même venu se restaurer alors que j’étais au portail, m’ignorant complètement. J’avais tellement envie de l’avoir pour moi seule, égoïste que j’étais à cette époque, mais quelle jeune fille passionnée d’équitation cracherait sur un étalon frison aussi beau ? Personne. J’avais demandé à mes parents d’en devenir propriétaire, mais ils ne voyaient pas ce qu’ils gagneraient à acheter un cheval que je ne pouvais même pas toucher au pré. J’ai été déçue, mais du coup, je voulais leur donner tort. A partir de cet instant, ce fut moi qui m’occupai de son pré. Je faisais les allers retours avec les jerricans, je nettoyais son abreuvoir, je demandais de l’aide pour déplacer les bottes de foin avec le tracteur. Je voyais rarement ce cheval noir en plein jour, mais je savais qu’il était là et qu’il m’épiait. En revanche, dès que le soir tombait, il venait me voir. Du moins, il ne venait pas me voir moi, mais juste manger un peu avant de repartir. Je m’aventurais de plus en plus près de lui, j’avais passé la barrière qui me séparait de l’étalon, je laissai parfois des petites friandises comme des sucres ou des bouts de pain tout près le botte qu’il s’empressait de manger en arrivant. Il connaissait mes cachettes par cœur à présent, mais il m’ignorait systématiquement, et si j’osai m’approcher un peu trop près, il rabattait les oreilles sur sa nuque, faisait claquer ses mâchoires tout près de mes bras, et s’enfuyait en ruant. Cependant, il s’habituait peu à peu à ma présence envahissante. En deux mois, je le voyais tous les jours, le soir.

Un matin, alors que je venais récurer l’abri rempli de crottins, il apparut en plein jour, accompagné d’une jument grise que je ne connaissais pas. Elle avait un ventre bien rond, et je soupçonnais l’étalon d’y être pour quelque chose. Ils s’approchèrent ensemble de moi, et grignotèrent dans la botte de foin. Cette jument, je ne la revis jamais par la suite. Mais mes liens avec l’étalon s’étaient améliorés de plus en plus rapidement. Il venait me voir en plein jour, et même si je ne pouvais toujours pas le toucher, il me disait bonjour à sa façon. Il me tournait autour, sans jamais s’approcher, mais il se montrait. Enfin, je pus rassembler les fonds pour en devenir le propriétaire. L’après-midi de cette grande nouvelle, j’allai dans le pré. Mon étalon m’y attendait, il ne m’avait pas vu durant la matinée et piaffait d’impatience. Il savait quand la poche arrière droite de mon jean, je cachais toujours quelque chose d’appétissant. Il galopa droit sur moi quand il me vit, et je ne pus passer la barrière. Il était énervé d’avoir attendu. Je l’avais perturbé dans ses habitudes de petit vieux, le pauvre ! Mais j’étais plus proche de lui que je ne l’avais jamais été, et lorsque je mis ma main dans ma poche pour sortir les morceaux de sucre que j’avais emprunté, il tendit le cou. Il n’était pas bête, si je les lâchai ici, il ne les atteindrait pas, il était donc obligé de les manger dans ma main.

Le bout de son nez atteignit ma paume dans laquelle je n’avais mis qu’un seul morceau de sucre. Il me le chipa et ramena vite sa tête près de lui comme si mon contacte l’avait brûlé. A la suivante, je réussis à effleurer le bout de son nez : le premier contact en deux mois. La troisième fois, ma main glissa le long de son chanfrein. Il me jeta un coup d’œil chargé de méfiance, mais ne broncha pas. Il me laissa enfin passer le portail du pré, et vint inspecter ma poche arrière. Je posai ma main sur son encolure, sur son ventre, sur ses reins. D’où sortait-il une telle masse musculaire alors qu’il n’avait jamais été monté ? Il me laissa l’inspecter tranquillement puis fit un écart. Pour l’avoir plus longtemps, il fallait payer. Et pas n’importe comment. Pour un cheval, il était loin d’être un imbécile. Je sortis une miche de pain que je craquais sur mon genou et je lui en tendis un morceau. Il l’accepta, puis pendant une bonne heure, ce fut un curieux jeu du chat et de la souris. Dès qu’il le souhaitait, il réclamait son dû. Je faisais un pas en avant, il en faisait deux en arrière. Puis, au gré de son envie, il revenait vers moi. Quand je n’eus plus de friandises, je sortis du pré : l’étalon m’escorta. Je revins quelques fois, et cet étrange pas de deux recommençait à chaque fois. Jusqu’à ma visite prochaine ou j’apporterai un licol en plus du reste !

confiance + 08 %
moral + 10

+ 05 pommes

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