Box de Silence

Silence, silence. C’était le nom de mon nouveau poulain. Irresponsable ? Je sais. Mais je ne pouvais plus m’arrêter. Sa bouille m’avait fait craquer, son don probable pour le dressage aussi. Depuis qu’il était sorti du ventre de sa mère, je ne l’avais jamais vu qu’en photo. Mais aujourd’hui c’était mon jour. J’allais enfin apprendre à le connaître.

En me garant sur le parking, j’aperçue Axelle sur un cheval qui semblait plein de bétacarrotaine tant son poil était roux. Je la saluais d’un sourire, et sans la déranger davantage je me dirigeais vers mon domaine, une grosse valise trainant derrière moi. Depuis la rénovation du haras, mon écurie s’était agrandie de 10 box car j’accueillerai bientôt de nouveaux poulains. Silence était dans l’un d’eux. Je déboulais dans l’allée, à la recherche d’un bout du nez curieux dépassant d’une porte trop haute. Bingo.

Dans le troisième box en partant de la gauche, je vis un petit nez de poulain, brun presque noir qui jouait de la lèvre inférieur, dévoilant de petites dents encore blanches. J’avançais vers ce box, le ventre papillonnant d’excitation. Un petit hennissement retenti à mon égard quand je passais une tête ravie par-dessus la porte. La bête, bien droite sur ses longues jambes de gazelle, me fixa en tournant la tête d’un côté puis de l’autre, avec un air naïf qui me fit fondre. J’approchais doucement une main vers la tête duveteuse et caressais amoureusement son chanfrein brun. Curieusement, le petit n’eu aucun mouvement de recul, au contraire il s’avança même pour sentir avec curiosité la main tendue. Enfin ce n’était pas étrange, bien au contraire, mais avec les petites pestes que j’avais eues auparavant je n’étais pas vraiment habitué à des gentillesses de la part de poulain. Je profitais donc de ce câlin pour amener au petit la présence maternelle de sa propriétaire. Il fallait le rassurer, il n’était là que depuis peu.

J’entrais doucement dans le box avec lui pour mieux faire sa connaissance. Il vint à moi, très accueillant à mon égard, et me fit des papouilles. Quel amour ! C’était trop bon. Je le caressais tendrement, gratouillant son menton comme il semblait adorer. Puis j’eu soudain une idée. Pourquoi ne pas lui présenter les autres chevaux ? Je rayais « les autres chevaux » finalement car entre Game et Bilbao, le petit risquerait de se faire marcher dessus. Pourquoi pas Enzel, son père, où Absinthe ? J’optais tout compte fais pour la première option.

Je sortais donc rapidement du box de Silence et me ruais vers celui d’Enzel qui était tout proche. Le beau noir hennit doucement à mon approche. Après quelques bisous et papouilles je lui passais le licol et le sortais de son box. Il était bien content de se dégourdir les jambes. Je l’amenais au petit rond de longe face aux autres box et le lâchais. Quelques minutes plus tard, j’ouvris la porte du box de Silence et le guidais doucement vers le rond de longe à l’aide d’une cordelette. Il me suivit docilement, tout excité. Quand nous arrivâmes, je le félicitais grandement pour son sérieux peu commun chez un jeune et appelais le grand noir. Les oreilles en avant, il se dirigea vers nous après une roulade dans le sable.

Les deux chevaux se touchèrent le nez, se sentir. Silence, très voir même trop curieux, poussa doucement le nez de son père. Celui-ci recula vivement, plus craintif. Il revint finalement et pressa le nez de son fils. Je les félicitais puis ouvris la porte du rond de longe. J’attrapais Enzel et lui mit une longe pour pouvoir le tenir le temps de faire des présentations plus affirmées. Le petit étalon trottinait gaiement quand a lui, les sens tout émoustillés par cette rencontre. Il s’approcha de nous, et se mit à sentir le mustang. Ce dernier ne broncha pas, baissant lacement la tête. Il fallait bien que jeunesse se fasse.

Silence gambada ensuite autour de l’étalon, cherchant à jouer avec lui. Je détendis la longe d’Enzel pour le laisser entrer dans son jeu. Il se mit à galoper à côté de lui, le dépassant tantôt, puis ralentissant. Je rappelais le mustang et détachais la longe. Les deux chevaux se mirent à faire la course. C’était tellement irréel qui je me pinçais pour savoir si je rêvais. Mais non, tout cela était bien réel. Je laissais encore jouer père et fils puis les rentrais, les gâtant tous deux d’un sucre pour leur bonne conduite.