Box de Fuego

« Parce que toute histoire commence par une rencontre... »

Ce matin là, en me réveillant vers 7h, je songeai au travail qui m'attendait au Domaine d'Éternel. Mais je me souvins qu'une amie voulait que j'aille avec elle voir les chevaux d'une vente, dans une écurie, car elle voulait en adopter un. Et voilà que mon portable sonnait. Je me levai péniblement et je décrochai. Un flot de paroles incompréhensibles arriva à mon oreille, jusqu'à ce que je coupe net le monologue de mon amie avec un "Il est sept heures du matin ! Deux minutes ne feront aucune différence !". Non mais ! Je lui dis que je la rejoignais dans un quart d'heure, maintenant que j'étais réveillée. Puis je raccrochais. Je sautai dans un pantalon d'équitation, j'enfilai t-shirt et pull, puis j'allai déjeuner, avant d'enfiler une paire de chaussettes d'équitation et une paire de bottes noire. Puis je mis un manteau et je sortis, juste à temps pour éviter un coup de klaxon de mon amie. Je protestai puis j'allai jusqu'au camion et je montai. Elle me salua avec plus d'entrain que moi, puis nous nous mîmes en route. Nous roulâmes un bon moment. Trois heures au moins. Peut être plus. J'arrêtai de compter le temps, profitant du paysage et des quelques chevaux qu'on voyait par la vitre du camion.

Enfin, nous arrivâmes. Mon amie se gara dans le parking. Ou l'espèce de parking plutôt, et nous descendîmes du camion. L'endroit était atroce. Quelques arbres morts, un bâtiment en ruine, qui semblait avoir brûlé, un autre bâtiment gris foncé... Ici, il n'y avait aucune couleur... Même le sable sous nos pieds était noir. Nous entrâmes dans le bâtiment voisin de celui qui était brûlé. Un homme vint à notre rencontre. Un homme qui semblait venu de la famille Adams. Il nous invita à regarder les chevaux. Il avait une voix semblable au reste de sa personne. Flippante. Nous jetâmes un coup d'oeil à chaque cheval. L'homme, qui nous suivait comme notre ombre, nous faisait sérieusement flipper et nous gardions un oeil sur lui. Je tombai sur un cheval noir. Certainement un pure race espagnole, vu sa morphologie. L'étalon était couvert de boue et de plaies sanguinolentes. Ses yeux roulaient dans leurs orbites et on voyait de l'étalon l'immense colère qui l'agitait. Il était furieux. Prêt à tuer.

"Çui là, l'est méchant. Complèt'ment taré la pov' bête. Faut l'tuer 'vant qu'il tue quelqu'un. Si vous l'voulez, j'vous l'donne, et j'vous l'fait monter dans l'camion en moins d'deux." fit une voix sifflante dans mon oreille.

Je fis un énorme bond et je me retournai presque trop vite pour un oeil humain. Et je découvris l'homme, planté près de moi. Pas encore remise de ma frayeur, j'acceptai et allai ouvrir la porte du camion. Puis je retournai dans l'écurie et... je m'arrêtai net. L'homme avait pris une fourche dans une main, une cravache et un licol dans les autres. Il ouvrit la porte du box et avança dedans, la fourche en direction de l'étalon noir. Ce dernier poussa un hennissement entre colère et terreur et recula précipitamment, ce qui montrait qu'il savait parfaitement ce qui allait lui arriver, et donc, que ce n'était pas la première fois. L'homme posa la fourche contre le mur et frappa le cheval pour qu'il se plaque contre le mur. Il lui saisis le bas du chanfrein avec la main et appuya, empêchant le cheval de respirer. Il lui passa le licol et la longe puis tira violemment dessus, tout en tenant le chanfrein du cheval pour l'empêcher de se débattre. L'étalon tenta de se cabrer mais l'homme serrait trop fort.

"Mais arrêtez !" lui criai-je.

J'allais vers lui et je lui arrachai la longe. Aussitôt, le cheval se cabra de toute sa hauteur. Devant le camion, je tentai de le faire monter. Mais l'homme, que j'avais perdu de vue, frappa la croupe d'un gros coup de cravache et l'étalon sauta dans le camion, m'arrachant presque la longe des mains. Je l'attache rapidement puis, mon amie n'ayant pas trouvé son bonheur, je fermai le camion et nous nous en allâmes, sans même dire merci et au revoir. Lorsque nous arrivâmes au Domaine d'Éternel, sans heurt majeur, je fis descendre l'étalon noir directement dans un pré du domaine. Je refusai de l'enfermer. Il était tellement traumatisé qu'il faudrait tout reprendre avec lui. On verra dans deux jours, pensai-je. Lorsqu'il serait acclimaté. Pour l'heure, autant le laisser découvrir son nouvel environnement... Je m'en allai en direction de l'écurie.

J'arrivai tard au Domaine d'Éternel ce jour là. Le matin, après avoir fait la grasse matinée, j'avais un peu travaillé. Puis, l'après midi, j'avais été retrouver des amis, jusqu'à 18h30. Je me rendis directement au domaine après avoir enfilé une tenue d'équitation. J'allai commencer par Fuego, mon nouveau cheval, un pure race espagnole noir traumatisé. Il fallait qu'il retrouve un peu de confiance en l'homme. Je savais que ce ne serait pas simple, ni même compliqué, mais cela frôlait l'impossible. Il était au pré, pour la simple raison que je refusais de l'enfermer dans un box alors qu'on ne pouvait pas l'approcher.

Je me rendis donc au paddock où vivait maintenant l'étalon noir. En arrivant au pré, je vis l'étalon noir, qui galopait vivement dans le paddock. Sa longue crinière et sa queue, emmêlées, flottaient dans le vent. Il avait les oreilles en avant, ce qui n'avait pas du arriver depuis des lustres. Je posai le seau et je m'appuyai contre la barrière. Lorsque la barre qui permettait de tenir le seau tomba contre le plastique, elle fit du bruit, et l'étalon noir plaqua aussitôt les oreilles en arrière et tourna sa tête vers moi. Lorsqu'il m'aperçut, il poussa un hennissement de fureur, mélangé à de la peur. Il vînt vers moi au galop et planta au dernier moment les quatre fers au sol avant de foncer dans la barrière. Je reculai vivement.

"Tout doux Fuego, tout va bien. Je ne vais pas te faire de mal, je te le promet. Je suis Rhéa. Tu es à moi désormais, et je vais essayer de te rendre la vie plus douce, et qui sait, peut être de rendre la joie de vivre." fis-je à l'étalon.

L'étalon noir s'éloigna de la barrière en hennissant furieusement. Il se cabrait, piétinait le sol, ruait, faisait des départs au galop très brusques pour s'arrêter de la même manière... Je me demandais comment on pouvait faire subir un tel sort à un animal. Aucun ne méritait un tel traitement. Aucun animal ne naît méchant, il devient ce qu'on fait de lui... Beaucoup considérerait ce cheval comme perdu. Je n'étais pas d'accord. Après tout, ne disait-on pas "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir" ? Je savais déjà que Brandon et Julien, les palefreniers de mon domaine, me trouvaient folle de vouloir essayer d'aider ce cheval. Ils avaient cependant admis que pour Hailey et Doople, ça en avait valu le coup. Mais ils ne les avaient jamais vus avant que je ne m'occupe d'eux.

Je grimpais sur la barrière et je restais assise dessus. Fuego continuait son manège. Je n'avais pas peur. J'étais calme. Étrangement calme. Je regardai l'étalon espagnol, j'observai ses faits et gestes, ainsi que ses réactions et sa manière d'agir. J'étudiai son comportement. J'essayai de comprendre son comportement, de comprendre comment il en était arrivé là et de quelle façon il avait été maltraité, en dehors des coups brutaux dont j'avais été témoin lorsque j'avais été le chercher. J'essayai d'être lui, d'être dans sa tête. Je voulais apprendre à le connaître. Je restai là un moment. Au bout d'une bonne heure, sa robe commença à se mouiller de sueur, car il ne s'était toujours pas calmé. L'étalon noir ne me quittait pas des yeux. J'étais immobile. Il finit par se calmer, quand il comprit que je n'allais pas bouger. Je souris lorsqu'il s'immobilisa.

"C'est bien mon beau. Tu vois, je n'ai pas du tout l'intention d'être comme tes anciens propriétaires. Moi, je veux juste être ton amie, je veux t'aider. Je n'entrerai pas dans ton pré avant que tu ne sois disposé à accepter ma présence, aussi étrange que ça puisse te paraître. Je ne suis pas ton ennemie." fis-je gentiment à l'étalon, d'une voix calme et douce.

Il remua les oreilles, me montrant ainsi qu'il avait entendu, mais il ne cessa pas de me jeter des regards furibonds. Je restai encore un moment, puis je descendis de la barrière et j'adressai à Fuego un au revoir, en lui promettant de revenir vite. Je me rendis à l'écurie du Domaine d'Éternel.