~ Sur la plage entre copines

Aujourd’hui, pour la première fois, je grimpais sur le dos de ma rousse en extérieur. Je devais depuis longtemps aller monter avec Axelle, mon amie de toujours pour que les deux sœurs se rencontre enfin. J’étais sur excitée, je n’avais qu’une hâte : m’élancer au grand galop dans la forêt ou sur la plage à ses côtés. Je déboulais donc dans mon écurie, un large sourire aux lèvres et me précipitais dans la sellerie. J’attrapais le matériel de la jeune jument plus quelques brosses et me rendis à son box. Elle était appuyée sur sa porte, les yeux dans le vide, l’air rêveur. Je l’appelais doucement pour la tirer de sa rêverie et lui caressais le bout du nez en guise de bonjour. Elle hennit tendrement et glissa ses naseaux doux dans mon cou. Je déposais un baiser sonore sur son chanfrein puis me faufilais dans son box. Elle était toute propre au niveau de la robe puisque je lui avais mis une couverture après l’avoir pansé la veille. Je passais juste un petit coup de bouchon puis curais ses pieds et démêlais ses crins. Je posais ensuite doucement le tapis sur son dos, puis la selle et la sanglais lentement tout en la caressant. Elle agita vivement la queue, mécontente de se voir serrer le bidon à une heure si matinale. Je la rassurais puis lui mis le filet sans difficulté. Elle grinça un peu des dents mais je ne l’écoutais pas et enroulais précautionneusement des bandes de travail sur ses quatre membres. Je lui ajustais ensuite des cloches aux pieds puis la sorti du box. Elle me poussa un peu, avide de liberté mais après une petite réprimande elle se calma. Je l’emmenais au montoir et me hissais doucement sur son dos. Elle soupira, et je la guidais vers notre point de rendez vous, sur le qui vive en cas de pétage de plomb.

Et non, ce n'était pas un poisson d'avril, je montais enfin bel et bien avec Encre et nos deux poulettes. Effectivement, Prunelle et Absinthe étaient jumelle, Encre et moi, amie. J'attendais sagement la cavalière dans la coure du haras de pado, profitant du calme ambiant pour laisser brouter ma jument. Je l'avais débourré il y a quelques jours, depuis je ne l'avais pas monté et encore moins en extérieur. ça s'annonçait excitant, cette balade ! J'admirais l'équipement attribuée à ma puce : une selle noire avec son amortisseur taupe et son tapis bordeaux, son filet simple accompagné d'un collier de chasse. Il était difficile de ne pas craquer en voyant la bouille de cette jument ! Soudain, elle releva la tête et pointa ses oreilles vers l'avant ; une ombre se dessinait au loin...

Je m’approchais d’Axelle, gracieusement juchée sur sa belle brune. Les deux jumelles se reniflèrent, puis hennirent. Je sentis Absinthe chaude comme la braise. Je saluais mon amie, puis lui demandais :

« Comment-tu vas ? Il était temps qu’on la fasse cette balade ! Ca te tente un galop sur la plage ? Au pire on ramassera les morceaux après ! »

Elle sourit et j’ouvris mes doigts sur les rênes pour faire comprendre à ma jument d’avancer. Celle-ci démarra au petit trot, toute excitée. J’espérais que mes fesses n’allaient pas quitter trop violemment la selle. Nous passâmes pars un petit sentier. L’odeur iodée se fit sentir, nous étions proches. Il était encore temps de discuter.

« Alors quoi de beau ? »

C'était bel et bien Absinthe et Encre qui s'approchaient. Je caressai doucement l'encolure de ma jument et en passant le pied dans l'étrier, me hissai sur le dos de ma jument. Les deux juments prirent le temps de se sentir, de se reconnaître sans doute. Elles avaient passé un bon bout de temps de leur enfance ensemble, c'était vraiment mignon de les voir se retrouver ainsi. Prunelle ne cessait de hennir, piétinant de contentement. Je caressai doucement son encolure, mon amie engagea la conversation avec un grand sourire sur son visage.

» Moi je vais super bien, je suis contente d'être en balade avec toi.

Voyant que le couple bougeait en direction des premiers sentiers, je claquai de la langue et serrai doucement mes mollets contre ses flancs pour lui faire signe de se mettre en route. Sortant tout juste du débourrage, je n'avais pas encore tous les boutons sur elle, et elle avec moi sur le dos. On allait apprendre à se connaître, ça c'était sûr et certain. Nous nous engageâmes dans un sentier jonché de branchages, ma jument ne savait pas vraiment où mettre les pieds. Je lui chuchotai quelques mots doux pour l'encourager et ouvris mes doigts pour lui permettre de partir au trot. Avec les jeunes, il fallait profiter de leur jus ! Je la laissai aller vers l'avant tout en répondant à la question d'Encre.

» Bah j'ai le brevet blanc le 09 et j'ai pas encore vraiment bossé, je suis toujours aux écuries... Et toi quoi de beau ? En tout cas les juments ont l'air vraiment contente de se retrouver !

« Et bien moi disons que tout roule en ce moment. Pas d’examens, pas de stresse, de bons résultats. Je m’en sors pas trop mal. Mais j’ai des petits soucis en dehors du travail, notamment à cause des embrouilles entre mes parents, la propriétaire d’Innocence qui se barre avec elle en Suisse et Sandro qui fait l’abruti. A croire qu’on n’est jamais tranquille ! Mais y a pire que mon cas… »

Je soupirais et caressais distraitement l’encolure de ma rousse. Je détendais un peu la pression sur les rênes pour la laisser descendre son nez. Prunelle était vraiment magnifique. Vue de dessus on aurait put croire qu’elle était d’un bai banal, mais vue du sol on pouvait se rendre compte de son ventre blanc comme une biche. Elle avait de fines jambes puissantes, une musculature semblable à celle de ses parents malgré son jeune âge. Mais ce qui me frappa ce fut sa tête expressive, rigolote, qui ressembla beaucoup à celle d’Absinthe de part ses traits. Je souris bêtement puis retournais à mes moutons. J’apercevais déjà la plage, et une certaine excitation monta dans les jambes de ma pouliche. Elle trottinait sur place, euphorique, agitant la tête pour me faire céder à son caprice. Je résistais, un peu anxieuse. Axelle et sa jument semblaient quand à elles calment. Je les enviais pour cela. Jouant dans mes doigts, je cherchais à détendre la jeune welsh qui ne cessa de bouger, les oreilles bien en avant et la queue en panache. Je déglutis et lançais un petit sourire à mon amie.

« On y va ? Parce que je ne vais pas pouvoir la retenir longtemps… »

Je ris, cela me fit décompresser. Après tout j’étais là pour m’amuser, je passais un super moment alors pourquoi tout gâcher ? Je mis la rousse au trot, l’emmenant calmement vers le sable blond de la plage.

Encre prit une voix peinée, après avoir répondu à ma question. J'esquissai un sourire, tandis qu'elle détendait ses rênes, laissant sa jument un brin de liberté en plus. Le calme régnait dans le petit sentier, tout juste large pour les deux juments. La mienne était détendue, alors qu'Absinthe trottinait sur place. Pour une pouliche, elle avait déjà beaucoup d'énergie ! Je caressai l'encolure de ma louloute, détendant à mon tour mes deux rênes. Prunelle allongea le nez, elle cherchait encore le contact du mors dans sa bouche, elle n'avait pas l'habitude. Encre me proposa alors de les trotter, voyant au loin la plage se rapprocher. Sa jument ne se fit pas prier ! Elle partit au trot, tête en l'air, cherchant à prendre la main. Mais la cavalière avait l'habitude, après tout elle montait tout de même Sandro, un beau cheval noir qui n'avait pas l'air des plus faciles. Je serrai doucement mes jambes, claquant de la langue et dit "trot". Prunelle, bien à l'écoute parti à l'allure demandée, avec cependant un peu de mal pour trouver le bon rythme. Je l'encourageai en serrant mes mollets et en gardant un contact moelleux et rassurant dans sa bouche.

» Beach, here we are !

Mon accent anglais était juste horrible, mais Encre avait comprit ce que je lui avais dit. Je ris aux éclats, ce qui surpris ma jument. Je caressai de nouveau son encolure, repassant ma jument au pas pour trouver le meilleur terrain sur le sable. Je proposais à Encre de les détendre sur le sable mouillé, puis sur le sable sec.

Je souris à mon amie et m’empressais de suivre sa proposition. Détendant mes doigts sur les rênes, je laissais ma jument jouer avec le mors, tout nouveau dans sa bouche. Elle repartit dans un trot encore plus vif, je plaçais donc mes épaules en arrière pour la ralentir. Tout en essayant de garder le contrôle, je dirigeais la pouliche vers le sable humide, plus dur et tassé que le sable sec. Cela me semblait une bonne option pour commencer. Absinthe était sur excitée. Elle grattait le pied, les quatre fers rassemblés, prête à me faire voler. Je déglutis et repassais la welsh au pas. Ce fut laborieux, mais j’y parviens après avoir resserrer un peu la pression sur les rênes. Je la tenais à l’écart des vagues, au cas où elle aurait soudainement peur. Ne pouvant la retenir davantage, je l’engageais au trot, assise. Elle s’empressa, piétinant le sol à petites foulées précipitées et me prit le mors. Je levais automatiquement les mains, les avançant pour ne pas qu’elle s’appuie dessus. Elle se calma, moins crispée, et allongea son trot. Je la laissais continuer un peu pour échauffer ses tendons puis fit un cercle pour retourner vers Axelle, en passant cette fois par le sable sec pour la trotter à cet endroit. La jument, partit en saut de mouton, complètement paniquée à l’idée que ses sabots s’enfoncent légèrement dans le sol. Je fus surprise mais restais en selle, tentant au mieux de contrôler ma monture. Je restais donc au final à une certaine distance de mon amie pour ne pas inciter sa jument à suivre ma rousse dans ses bêtises.

« Tu es bon ? Moi elle est un peu hystérique mais bon je pense que le galop la calmera. Ca va toi ? »

Visiblement les deux jumelles étaient bien différentes. Du côté de Encre, nous avions la petite fusée prête à tout pour virer sa cavalière et sous ma selle, j'avais un escargot qui n'avait pas d'endurance. Prunelle poussait déjà ses capacités, elle n'arrivait pas à suivre. Je caressai doucement son encolure pour l'encourager et pris le trot sur le sable mouillé où venait s'échouer des vagues impatientes. Ma pouliche était plus que surprise de se faire mouiller. Elle s'écarta vivement de l'écume, puis tendis une nouvelle fois son encolure en sa direction. C'était tout nouveau pour elle, je la laissai faire, à son rythme. Mais à côté de moi, Encre semblait plus dans l'inconfort que dans le confort. Sa jument piétinait, impatiente. Elle ressemblait fortement à Cola-Cao face aux barres ! Nous trottâmes un petit peu sur se sable avant de passer sur le sable sec. Je pris al précaution de la repasser au pas pour ne pas trop la surprendre avec le changement de sable. Encre elle, ne prit pas cette précaution et se fit secouée dans tous les sens. J'étais hallucinée par la jument, qui était tout le contraire de Prunelle. Elle était plus grande et plus fine, plus élégante mais aussi plus speed. Je caressai ma jument qui s'était un peu affolée avec le cirque de sa soeur et le quatuor repris le trot sur le sable sec. Je n'aimais pas trop le sable sec, je n'aimais même pas ça du tout. Je proposai donc à mon amie de les faire galoper mais sur le sable mouillé et les pieds dans l'eau, ce qui était meilleur pour leurs tendons. Ma jument commençait à caler, c'était vraiment une toute jeune.

Suite à la proposition d’Axelle, nous revîmes sur le sable humide. Elle avait raison, c’était meilleur pour les tendons. Je la voyais qui peinait à faire avancer sa jument, encore réservée. Je peinais tout autant, sauf que c’était pour ralentir ma monture. Je guidais la rousse vers les petites vaguelettes qui léchaient le sable et détendis mes rênes pour la laisser humer l’écume. Les oreilles en avant, toute curieuse, elle trempa ses lèvres dans la mousse blanche avant de rejeter la tête en arrière, peu convaincue du goût. Je ris doucement et me détendis. Faute dont je fus pénalisée puisque une vague plus courageuse que les autres s’échoua sur les sabots d’Absinthe. La jument vola en l’air, apeurée, et se mit à galoper tel que je ne l’avais jamais vue. Je m’efforçais de faire un cercle, mais la ponette, désunie, s’enfonça dans le sable. Elle devint encore plus dingue, se cabra en titubant avant de repartir à fond vers Prunelle. La forçant sèchement à tourner, je l’emmenais sur le sable sec où le galop était plus difficile. Elle ralentie, essoufflée, les naseaux gonflés et la queue en panache. Je la stoppais, les doigts rougis par les rênes. Avec plus de fermeté je la ramenais vers les vagues, fermant mes doigts sur les rênes pour ne lui laisser aucune liberté. Elle ne me referait plus le coup. Mais dès que les vagues furent à une distance suffisante pour qu’elles puissent l’atteindre, ce fut la panique. Elle refusa d’avancer, tout son poids à l’arrière comme si elle allait s’assoir. Je la talonnais mais elle résista. Pour la convaincre j’ouvris mes doigts un peu plus sur les rênes, et à l’aide de pressions de mollets, elle fit quelques pas en direction de l’eau. Je la félicitais.

« On galope ? »

Encre me proposa de galoper nos juments, à vrai dire je n'étais pas vraiment très sûre de nous quatre. On m'avait toujours dis de galoper un cheval quand il se montrait très obéissant, surtout en balade. L'alezane avançait trop et échappait aux mains d'Encre, tandis que ma brune elle, ne répondait pas à mes jambes ni à mon poids du corps. Cependant, j'acceptai volontiers car je faisais confiance à mon amie, et à nos bébés.

» Pourquoi pas ?

Encre lu mon inquiétude sur mon visage, mais m'encourageai du regard. Elle me sourit, je lui rendis son sourire. Ma jument sentait que j'avais changé mon comportement. Je serrai doucement mes jambes, et décidai de la laisser au trot quelques mètres avant de prendre le galop. Je me mis sur la partie sable mouillé et compact, à la lisière des vagues qui remontaient sur les sabots de Prunelle. Après ces quelques mètres de trot, je lui demandai le galop en la gardant dans les jambes mais la belle ne répondait pas. Heureusement, sa soeur prit le galop à côté de moi, ce qui m'aida à faire pareil de ma monture. En équilibre mais légèrement en arrière pour avoir une position de sécurité, je laissai ma Prunelle déployer son encolure. Pour la première fois de la balade, elle me prouvait qu'elle en avait en réserve et dépassa le couple voisin. Dans un éclat de rire, j'avalai un moucheron qui passa mal dans ma gorge. Le vent fouettait mon visage, mes yeux pleuré. Je finis par repasser ma belle au trot, Encre fit de même.