Bisounours

J'm'en fou
Dressage mouvementé avec Ali Baba

 " Seychelles, Seychelles, Seychelles… Tu es ridicule. Et je pèse mes mots ! Mademoiselle fait son intéressante, mademoiselle dit qu'elle veut faire ce qu'elle veut, ne plus à avoir à obéir. Mais, il y a des choses que tu dois savoir. Pas la peine de faire tes longs discours "laisse moi vivre, je veux faire ce que je veux" très bien très bien ! Je te laisse vivre ! Je te laissa faire ce que tu veux ! Mais es que tu sais ce que tu veux faire ? Ta arrêté le lycée pour faire un métier artistique (lequel ? je sais pas, je crois que toi tu sais pas non plus), tu te retrouve caissière au mac do. Tu remue le baque à frite parce que tu as pas de bac. Très artistique, alors la bravo ! Mais sache que y aura toujours quelqu'un qui t'imposera des règles, y aura toujours plus fort que toi"

La, vous vous dîtes "tien, celle qui a dit ça devait être une charmante personne". A vrai dire, personne ne m'a vraiment dit ça, ce monologue est juste l’assemblage des reproches, de la signification des regards moqueurs, des "conseils" que je reçois tous les jours, de la part de tous le monde. Je ne sais pas trop quoi  répondre, tous est vrai. Je m'appelle Seychelles, j'ai dix neuf ans, j'ai arrêté mes études après avoir raté mon bac, je voulais être comédienne, styliste, actrice, mannequin, réalisatrice… Je voulais être tellement de choses que je ne suis rien devenu. Je ne sers pas à grands choses, je suis ni une mère, ni une brillante chercheuse, ni une sauveuse de vie. Quand je rentre chez moi, il n'y a pas d'enfants qui m'attendent, ni de mari, ni ni niii... Enfaite, je suis rien, je sers à rien. Mais j'm'en fou. J'm'en bat complet. J'm'en blé complet. Ok ok, c'était un jeu de mot nul à l'infini. Tous ça pour dire que le seul moment de ma vie où je me sens exister, le seul moment de ma vie où je suis heureuse, c'était avec mes chevaux, mes petits anges, mes raisons de vivre.

"AH ! Tes chevaux ! Parlons en ! Tu en a treize, c'est à dire douze de trop ! Tu t'es vu ? Ils te coutent tellement chère, tu dépense tous on argent pour ça ! A cause d'eux, tu mange qu'un seul vrai repas par jour (non, les frites et burger que tu vole au mac do ne comptent pas comme un vrai repas), tu n'a pas de fais de shopping ailleurs que chez "vetaffaire" ou "Leclerc" depuis tes dix huit ans, tu as la même coiffure que Kesha, mais c'est pas fait exprès, c'est parce que d'après toi, le coiffeur c'est secondaire, ça passe après tes chevaux. Cite moi une chose qui ne passe pas après tes chevaux ? Tes amis ? Je te rappelle qu'à part trois ou quatre, les autres ont oublié ton nom à force de ne jamais te voir. Fait attention ! Dans 3 ans on te retrouve dans "tellement vrai: je suis un cas social qui ne vit que pour ses chevaux" et dans 10 ans dans "l'amour est dans le pré: Seychelles, éleveuse de poney, n'a pas vu d'autre humains depuis 15 ans" Ta un joli visage, ne le gâche pas en le recouvrant de crottin. T'étais doué en théâtre, ne détruit pas ça à coup de cravache"

J'en ai plein d'autres, des monologues d'assemblement. Mais eux, c'est les plus importants, ceux qui passent en boucle dans ma tête pour me dire: regarde sey', regarde comme ta vie est  nulle, nuuuuuuuuuulle ! Toute la journée, de mon réveil jusqu'à ce que je m'endorme, je ne pense qu'à ça. Et je peux vous dire que mes journées sont très longues. Sortir de son lit à 5h du matin pour prendre trois bus de suite (le seul appart' dans mes prix est loin de toute forme de civilisation). Matin et midi au mac do. Soir et début de la nuit à travailler comme serveuse chez "mimosa" le bar le plus branché d'Albertville (et oui, cette ville existe vraiment). Dodo à minuit. Rythme de vie très sain, très reposant… Le seul moment où les monologues arrêtent de foutre le bronx dans ma tête, c'est pendant ma pause de l'après midi, quand je vais voir mes chevaux. Et la, c'est merveilleux. Mon esprit se vide, je suis légère, chaque pas est comme un envol. Plus de fatigue. Quand je monte à cheval, je suis la fille la plus heureuse. C'est ce qui se passe toujours, surtout quand il s'agit de mes petits amours. C'est ce qui se passe à chaque fois quand je monte Ali Baba… Bonheur total.

Lundi, 15h30, carrière, soleil. Il n'y a personne d'autre que mon gris et moi. J'entre et je marche jusqu'à la ligne du milieu où je me hisse élégamment sur le dos du petit cheval. Il est devenu calme. Il a vieillit, il a arrêté d'être chiant, mais il est parfois juste un petit peu. Je marche rênes longues en réfléchissant au programme d'aujourd'hui. Je me sens capable de tout, gravir des fleuves ou traverser des montagnes, rien ne me fait peur quand je suis à cheval. J'ajuste mes rênes et je prend le pas actif sur la piste avec le gris qui avance rapidement, lui aussi à envie de bouger. Je lui demande des extensions d'encolure qu'il a encore beaucoup de mal à faire sans faire de petits coups de cul ou de reculer brutalement. Ce cheval est encore un peu foufou, mais déjà tellement mieux qu'à nos début. Je l'incurve dans les tournants, enchaine les transitions, enchaine les figures de manège, comme si nous dansions. Je ne sais pas si c'est juste une impression, mais j'ai l'impression que chaque pas est gracieux, et que tous s'accorde pour donner un petit spectacle pour les yeux, même les écarts de l'étalon donnent l'impression d'être volontaires et prévu. Je pris le trot et je commence à faire une détente plus sérieuse. Il tourne sur de longs cercles en mettant son nez au milieu, il se met légèrement sur la main, il a juste beaucoup de mal avec les transitions. Je le mis ensuite au galop. L'étalon partit en flèche en sentant la pression de jambe sur ses flancs et je n'arrive plus du tous à le contrôler. Il refuse toute autorité, il est trop bien, au grand galop, pour vouloir reprendre une allure normale. Il n'y a rien à faire, il ne ralentit pas, il ne s'arrête plus. Lancé au grand galop, l'étalon ne prend même plus la peine de tourner devant la barrière de la carrière et la saute. Surprise, je m'accroche à la crinière, quitte à lui arracher une touffe. Il est sortit de la carrière, et continu sa course pendant que je glisse et que je m'écroule sur le sol. Il me faut quelques minutes pour réaliser que je suis tombé, quelques minutes pour me relever, quelques minutes pour comprendre que mon cheval à disparu. Je le cherche du regard, mais il n'est visiblement pas dans mon champ de vision. La douleur qui s'attaquait à ma hanche a tout de suite disparu, il n'y a qu'une chose qui importe, retrouver Ali Baba. Je sais qu'il n'a pas du partir très loin, mais je suis m'inquiète un peu. L'anxiété fut de courte durée. Le petit étalon fait surface, les rênes emmêlés dans ses antérieurs, avec une démarche un peu saccadé et un air nerveux. Je le rejoins et je lui caresse l'encolure. Je mis correctement le filet et je décide de rentrer tous de suite, l'étalon étant un peu trop nerveux pour une suite. "Tu saute très bien, la prochaine, tu sautera un obstacle à la place de la barrière, ok mon amour ?"