paddock de Berlioz

J'arrivai au Haras de Pado en milieu d'après midi. Pour la première fois depuis l'incendie et le changement d'emplacement du Haras, je décidai de me rendre au nouveau Rescue Me. Je pris le chemin et je m'y rendis tranquillement. En arrivant, je m'aperçus que les paddocks étaient un peu plus grands, ce qui n'était pas peu dire étant donné qu'ils étaient immenses déjà avant, et les clôtures étaient plus hautes. A l'entrée de Rescue Me se trouvait une cabane, semblable à l'ancienne. Elle contenait la même chose qu'avant. Matériel de pansage, friandises en quantité, licols et longes, matériel de soin... Je n'y pris rien, j'étais juste venue pour faire un tour.

Je longeai les paddocks, apercevant des chevaux ici et là. Des panneaux se trouvaient à l'entrée de chaque paddock, avec le nom, l'âge, la race, le sexe et le problème du cheval, ainsi qu'une description de son passé. Je les lus tous. Un attira mon regard. Un étalon Hutsul pie pangaré de 8 ans, nommé Berlioz. En regardant dans son pré, je l'aperçus assez loin... et je restai bouche bée. Il était maigre comme un clou, et il semblait tenir avec peine sur ses membres. Je déposai mon sac à dos devant la barrière et je l'ouvris. Je pénétrai dans le pré. Je me dirigeais vers Berlioz et je l'avertis de ma présence par un léger sifflement. Il pointa ses oreilles vers moi, mais dès qu'il me vit approcher, il hésita entre partir et rester. Dès que je m'en aperçus, je m'arrêtai et je m'assis dans l'herbe, à une trentaine de mètres de lui. Berlioz se calma quand il me vit immobile. Nous restâmes à nous observer un bon moment. Puis, je me levai et je m'en allai, en lui promettant de revenir vite.

« Tout doux mon beau, on est pas pressé... »

Après ma séance de dressage avec Aëmy, je décidai de rendre une petite visite à Berlioz, le petit protégé pie pangaré de Rescue Me dont je m'occupais. Je quittai le Domaine d'Éternel d'un pas vif, et je traversai tout le Haras de Pado pour me rendre à Rescue Me. Une fois arrivée, je pris, dans la cabane, un seau rempli de friandises. Manger un peu ne pourrait pas faire de mal au jeune étalon, maigre comme un clou, dont on voyait les côtes à des kilomètres. Je me dirigeai résolument vers son paddock, qui se sitait tout au fond de Rescue Me. J'aperçus chacun des protégés de Rescue Me et je me demandais avec horreur comment on pouvait faire subir de tels traitements à des animaux. C'était monstrueux, inhumain... Entre les maigres, les blessés, les traumatisés... Ces pauvres chevaux semblaient des cas désespérés. Mais une bande de cavaliers, comme moi, cotisaient pour les sauver car ils croyaient en eux. Je songeai à mes deux chevaux, Hailey et Doople, ainsi qu'à Raphael, que j'avais vendu. Ou seraient-ils si je ne les avais pas pris sous mon aile, et sortis de Rescue Me ? Je refusai d'y penser. Tous ces chevaux avaient droit à une autre chance.

J'ouvris la porte du paddock et j'y entrais, la refermant derrière moi. Le pia se tenait loin de moi, près de son abri, et m'observait avec méfiance, hésitant entre la peur et la colère. J'avançais un peu dans le pré et je m'assis. J'observai l'étalon, qui me regardait aussi. Il prit un brusque galop et tourna en larges cercles autour de moi, assez loin. Il allait vite. Comme il était loin, sa fine silhouette se découpa parfaitement dans le ciel lorsqu'il s'arrêta sur la petite colline qui surplombait son pré. Ses oreilles, qui étaient plaquées sur sa nuque, se pointèrent soudain en avant, vers moi. Berlioz s'approcha de quelques pas. Je ne bougeai pas. Complètement immobile, je ne regardais plus l'étalon. Je regardais l'horizon et j'avais le regard perdu dans le vague. Si je ne regardais plus l'équidé, je le voyais quand même. Il avançait de quelques pas, puis reculait un peu. Sa peur et son passé freinait sa curiosité. Il s'arrêta et ne bougea plus. Il avait toujours ses oreilles en avant et il me regardait. J'étais là, assise par terre dans le pré. J'étais immobile. Je ne regardai pas l'étalon pie, je regardais loin, dans le vague. Dans mes souvenirs ou mon imagination. J'étais totalement à la merci de ce qu'il voudrait faire de moi. Je crois que ça le rassurait. Il fit quelques pas vers moi, pour se rapprocher, mais il resta assez méfiant, hésitant, prêt à fuir si je faisais un seul mouvement. Il fit quelques pas, puis encore quelques uns. Il fit un bond quand j'émis un léger sifflement. Celui que j'utilisais habituellement avec tous mes chevaux. Il fit quelques foulées de trot, en cercle autour de moi, à une dizaine de mètres.

Il remua les oreilles avant de les pointer à nouveau en avant, mais toujours prêt à fuir au moindre mouvement. Berlioz écoutait ma voix. Je m'étais mise à chantonner une chanson que je connaissais. Assez doucement pour que la mélodie soit portée par l'air, mais pas assez fort car le silence n'était brisé que par le vent et le chant des oiseaux.

Je pris un morceau de pain et je le lançai assez loin de moi, sur ma gauche. Berlioz, en face de moi, releva la tête et se cabra, mais quand il vit que je ne bougeai plus et que la chose était éloignée, il nous regarda tour à tour, l'étrange chose que j'avais lancée et moi. La curiosité l'emporta et, toujours en me surveillant, l'étalon pie alla jusqu'au morceau de pain. Il le sentit et le mangea. Je souris. C'était un progrès énorme. Je me levai et Berlioz s'écarta. Je fis demi-tour et j'allai verser les friandises dans la mangeoire. Berlioz, de loin, me regarda. Je jetai un dernier coup d'oeil derrière moi puis, après avoir promis à Berlioz de vite revenir, je m'en allai. En quittant le paddock, je vis Berlioz se rendre sous l'abri et je l'entendis manger les friandises. Avec un immense sourire, je quittai l'enceinte des paddocks de Rescue Me.

Aujourd'hui, c'est tard que je me rendis au Haras de Pado. J'y allai en vélo, mes parents ne pouvant pas m'emmener. Je savais qu'il était trop tard pour monter, mais je décidai quand même de me rendre au Domaine et de dire bonjour à mes chevaux. Je me rendis donc au Domaine d'Éternel et je saluai chacun de mes chevaux. Je passai quelques minutes auprès de chacun, puis je décidai d'aller voir Berlioz, le protégé de Rescue Me dont je m'occupais.

Je quittai mon domaine et je traversais tout le Haras pour me rendre à Rescue Me. Je longeai les paddocks, dans le coucher de soleil. Les paddocks ne contenaient que leurs protégés respectifs, les cavaliers étaient partis depuis longtemps pour beaucoup, je le savais. Dans la cabane, à l'entrée de Rescue Me, je pris un seau rempli de friandises de plusieurs sortes. Des fruits, des bonbons, des morceaux de pain... Puis je longeai les paddocks, jusqu'au fond de Rescue Me, jusqu'à celui de Berlioz. L'étalon Hutsul broutait paisiblement contre la barrière, du côté du paddock de Macaron, le petit protégé dont s'occupait mon amie Seychelles.

J'émis le léger sifflement habituel que j'utilisais pour mes chevaux. Dans le silence du soir, seulement troublé par les chevaux, les oiseaux et le bruissement des feuilles, mon sifflement sonna très fort. Berlioz leva la tête, pointa les oreilles vers moi, mais il ne bougea pas. J'entrai dans le pré et, sans me préoccuper de l'étalon pie pangaré, je me rendis au milieu du paddock. Je posai le seau de friandises à côté de moi et je m'assis tranquillement en tailleur. Je sortis du sac à dos que j'avais emmené quelques feuilles, des crayons de couleurs et un crayon à papier. Et je commençai à dessiner, de mémoire, Fuego, l'étalon PRE que j'avais acheté alors que tout le monde le considérait comme un cas désespéré. Je le dessinais au galop, dans le pré de mon domaine où il vivait à présent. Je n'avais plus réussi à l'approcher depuis que je l'y avais lâché. Alors que je m'étais absorbée dans mon dessin, je n'entendis pas l'étalon pie pangaré s'approcher de moi. Il vînt à une dizaine de mètres, puis à environ cinq mètres, où il s'arrêta pour m'observer. Seule la périphérie de ma vision me permettait de le voir, mais je l'entendais. Je continuai à dessiner, sans me préoccuper de lui. Je sortis une pomme de mon sac et, tout en dessinant, je commençai à la manger, toujours sans me préoccuper de l'étalon Hutsul. Puis je terminai mon dessin. Je rangeai mes affaires dans mon sac, puis je m'intéressai enfin à l'étalon pie.

"Salut toi ! C'est encore moi, tu te souviens ? Alors, je t'intrigue ? Je suis là mais je ne cherche pas à t'approcher. Tu trouves ça étrange ?" fis-je à l'étalon, d'une voix douce et posée.

Berlioz me regarda d'un regard curieux. Mais je vis qu'il était sur ses gardes, prêt à réagir quoi qu'il arrive. Je lui souris en continuant à lui parler. Très doucement, je sortis une pomme du seau de friandises et je la lançai à quelques mètres de lui. Il plaqua ses oreilles sur sa nuque et se cabra, avant de reposer ses antérieurs et de s'immobiliser à son tour. J'étais à nouveau immobile. Je n'étais plus menaçante. Tout en me surveillant du coin de l'oeil, il s'approcha de la pomme, la sentit, et la mangea avec plaisir. Je lui en lançai à nouveau une, mais pour la prendre, il devait s'approcher à trois mètres de moi. Il fut assez courageux pour s'approcher. Tout en me surveillant, prêt à s'enfuir au moindre signe d'un mouvement de ma part. Il fit un pas hésitant. Puis un autre, puis une troisième. Il mangea la pomme puis recula d'un pas. Avant de se mettre à tourner tranquillement autour de moi. Puis un hélicoptère passa au dessus du Haras et Berlioz, paniqué, partit au galop, manqua de me défoncer, et s'échappa. Je pestai contre l'hélicoptère, me levai et allai verser le seau de friandises dans la mangeoire du jeune étalon. Berlioz se calma au bout d'un moment, mas il resta loin de moi. Je lui promis de revenir très vite puis je m'en allai. Je fermai la barrière du pré, je ramenai le seau à la cabane, puis je quittai l'enceinte de Rescue Me, puis celle du Haras de Pado, et je rentrai chez moi.